Ravi (Coltrane) Alice et John : famille de sang, de cœur et de musique

Ravi Coltrane était de retour à Montréal pour le 40e anniversaire du FIJM. Photo courtoisie FIJM/Benoit Rousseau

Ravi Coltrane était de retour à Montréal pour le 40e anniversaire du FIJM. Photo courtoisie FIJM/Benoit Rousseau

Il y a belle lurette que Ravi Coltrane s’est fait un prénom, mais le saxophoniste américain, sans tambour ni trompette, sait nous rappeler le sens des valeurs familiales. Au sens propre et au sens figuré, pourrait-on ajouter.

Par Philippe Rezzonico

Pour son retour au Festival international de jazz de Montréal, le fils de John s’est pointé avec le contrebassiste Dezron Douglas et le batteur Jonathan Blake, que nous avons déjà vu avec lui à Montréal au cours des ans, ainsi qu’avec le pianiste cubain David Virelles. On pourrait presque parler de famille d’adoption.

Au sein de ce quartette d’instrumentistes doués, Coltrane s’est acquitté de son rôle de leader en distribuant les rôles. Telle ou telle ouverture était l’affaire de Blake ou de Douglas, familiarité de scène oblige. Loin d’être effacé, Coltrane a néanmoins laissé tout l’espace voulu à ses collègues afin de démontrer l’étendue de leur dextérité.

Disons que je ne voyais pas le même Coltrane qui avait mis le feu – littéralement – au mythique Village Vanguard en août 2017, lorsque invité d’Esperanza Spalding et de Teri Lynn Carrington pour l’hommage à la regrettée Geri Allen. En qualité d’invité, il faut justifier sa présence. Pas interdit d’entre mettre plein la vue. En tant que meneur, on a d’autres responsabilités.

Alternant comme à son habitude entre les saxophones soprano et ténor – plus free au soprano, plus lyrique au ténor – , Coltrane a été impeccable de phrasé. Les tonalités étaient savoureuses dans ce programme modal au possible, avec des éléments de bop et des pincées de free.

Si Coltrane a été inspiré et royal plus souvent qu’à son tour – à un moment, j’avais sérieusement l’impression de voir John et non plus Ravi devant moi, question de sonorités et de poses – , c’est néanmoins Virelles qui a failli voler le show

Comme dans un film ou un acteur fait un nombre d’apparition limitées durant lesquelles il crève l’écran, Virelles a été impérial chaque fois qu’il a pris le plancher. Le pianiste virtuose au sens irréprochable du rythme a été impérial d’inspiration et dans l’articulation de ses thèmes.

David Virelles, Ravi Coltrane. Photo courtoisie FIJM/Benoit Rousseau

David Virelles, Ravi Coltrane. et Dezron Douglas. Photo courtoisie FIJM/Benoit Rousseau

Pendant une heure et quart, le quartette nous a fasciné, enjôlé, ravi (…trop facile) et conforté dans l’impression que l’on peut offrir du jazz de grand cru en 2019, même si pas mal toutes les bases du genre remontent à 50 ou 60 ans.

Quand Coltrane s’est adressé à la foule avant le dernier morceau, il a fait l’inventaire des pièces jouées, notamment « Satellite, de John Coltrane » – je pouvais bien trouver qu’il ressemblait soudainement à son père tant dans le jeu que la pose.. -, et une autre de sa mère Alice Coltrane. C’est d’ailleurs sur une autre composition d’Alice Coltrane, Los Caballos, tirée de l’album Eternity, en 1976, que Ravi et ses collègues se sont offerts une finale explosive.

Il fallait voir Coltrane s’éclater au sax soprano – comme au Village Vanguard, tiens -, Virelles survoler ses ivoires, ainsi que Douglas et Blake s’offrir la part du lion, surtout Blake qui s’est payé un solo de batterie à faire rougir tous les batteurs de rock.

Durant une dizaine de minutes, passé et présents étaient liés, avec Ravi, soutenu par ses copains, qui interprétait une œuvre de sa mère, tout en la jouant à la manière de son père.

Famille de sang, famille élargie, famille de cœur et de musique, tout à la fois. Fabuleux.