Shirley Alston Reeves: la pionnière des groupes de filles

Il y a eu The Marvelettes, The Chiffons, The Supremes, The Shangri-las, Martha Reeves and the Vandellas, The Angels et même les Spice Girls, plus de trois décennies après l’âge d’or des « girls groups ». Mais avant toutes ces femmes, il y a eu The Shirelles et leur chanteuse, Shirley Alston Reeves.

Par Philippe Rezzonico

Née Shirley Owens à Passiac, New Jersey, la chanteuse américaine sera de passage au Rialto samedi soir, avec Freddy Cannon et The Crystals, un autre groupe de filles qui aura marqué l’histoire de la pop américaine au début des années 1960. The Shirelles furent toutefois des pionnières des années 1950.

Shirley Alston Reeves n’avait toutefois pas de plan de carrière en 1957, quand elle s’amusait à chanter avec ses copines d’école, Beverly Lee, Addie « Micki » Harris et Doris Coley.

« Nous n’avions jamais planifié d’être des vedettes se souvient la chanteuse, depuis le New Jersey. Nous étions toutes des fans de musique des groupes de gars qui dominaient la scène musicale au milieu des années 1950. Il n’y avait presque qu’aucun équivalent féminin dans ce temps-là, à part quelques groupes comme The Chantels ou The Bobbettes.»

Donc, Reeves, Lee, Harris et Coley chantaient. Et elles composaient, aussi. Le quatuor avait composé un titre nommé I Met Him On a Sunday (Ronde-Ronde). Et elles avaient plaisir à l’interpréter dans la cour d’école.

L’audition

C’est justement l’écoute de cette composition originale qui a attiré l’attention de Mary Jane Greenberg, dont la mère Florence était la propriétaire d’une étiquette locale de disques, Tiara Records.

« On ne connaissait pas Mary Jane. Elle nous approche et nous dit qu’on pourrait peut-être enregistrer pour sa mère. Une compagnie de disques! On pensait à RCA, à Capitol… Quand elle nous a dit « Tiara Records », on a dit : «Quoi? No way!! », raconte Alston Reeves en éclatant de rire.

« Durant des semaines, Mary Jane revenait à la charge. On faisait tout pour l’éviter. On allait à l’école par des chemins différents, jusqu’au moment où on a finalement accepté d’aller faire un tour. »

L’audition s’est faite dans le salon de la résidence des Greenberg et les quatre filles, toutes mineures, ont signé leur premier contrat avec Tiara Records. Mais pas sous le nom que les filles avaient choisi, à savoir, The Poquellos (petits oiseaux, en espagnol).

« Pour être franche, je n’ai jamais trop su que ce cette appellation voulait dire dans ce temps-là, sinon que c’était de l’espagnol, note la chanteuse. Mais Florence Greenberg n’aimait pas le nom, donc, on cherchait autre chose.»

Après avoir songé un instant à The Honeytones, The Shirelles a été retenu. Shirelles, finalement, était pratiquement un anagramme de Shirley, le prénom de la chanteuse soliste.

I Met Him On a Sunday (Ronde-Ronde), mis en marché en février 1958, a obtenu tellement de succès dans la région de New York que Decca a racheté la chanson pour la mettre en marché partout aux États-Unis. Le titre s’est hissé au 49e rang du palmarès pop.

Specter Records

Florence Greenberg fonde en 1959 Specter Records et The Shirelles décident de graver une chanson qui fut un succès pour le groupe The « 5 » Royales, Dedicated To the One I Love. Succès mitigé (83e rang palmarès pop) à l’arrivée, mais dans le foulée, Greenberg embauche Luther Dixon, le réalisateur derrière la bombe du groupe The Crests, 16 Candles.

Sa première collaboration avec la jeune Owens mènera à l’un des bons titres des Shirelles, Tonight’s The Night, qui se hissera au 14e rang du palmarès r&b. Et c’est à ce moment qu’un jeune couple d’auteurs nommé Carole King et Gerry Coffin compose pour The Shirelles le classique Will You Love Me Tomorrow.

Lancée en novembre 1960, la chanson fut numéro 1 sur le palmarès pop et numéro 2 sur le palmarès r&b. The Shirelles était maintenant un groupe connu partout aux États-Unis. Specter Records remit en marché Dedicated To the One I Love qui, cette fois, se retrouvera aux échelons 3 et 2 des palmarès pop et r&b.

En 1961, 1962 et 1963, Mama Said, Big John, Soldier Boy, Baby It’s You et Foolish Little Girl allaient toutes se hisser parmi les 10 chansons les plus populaires des États-Unis. Ce furent de grandes années de plaisir, de tournées et d’héritage en devenir.

Les filles ne pouvaient savoir que Dedicated To the One I Love allait devenir un immense succès avec The Mama & The Papas et que les Beatles allaient reprendre Baby It’s You et Boys. Mais l’invasion britannique et l’armada Motown allaient altérer le passage musical des États-Unis dès 1963.

« Nous avons été des pionnières dans le sens que tout était à faire, se rappelle Alston Reeves. Quand je regardais The Supremes quelques années plus tard, je réalisais à quel point elles étaient bien entourées. Il y avait la qualité des auteurs-compositeurs de Motown, bien sûr, mais elles avaient une présence de scène. On leur avait appris à se mouvoir, il y avait les chorégraphies et les enchaînements étaient fluides.

« Nous, nous avons appris sur le tas. Je chantais, Beverly disait des trucs marrants, Micki était la comédienne et Doris était la porte-parole du groupe.  Et il y avait les robes des Supremes…. Ces grandes robes avec des brillants, échancrées le long de la jambe! Nous avons toujours eu de belles robes, mais jamais rien de tel. Nous étions un excellent groupe de chanteuses, mais les Supremes, elles donnaient un show. »

Depuis son dernier passage au Métropolis de Montréal en 2002 avec Gene Chandler, Lou Christie, Bobby Vee et The Contours, Shirley Alston Reeves se produit toujours en trio pour reproduire les harmonies d’époque.

« J’ai vraiment toujours autant de plaisir à chanter et à faire des tournées que dans les temps. Et j’ai hâte de revenir à Montréal. Quoique, on n’annonce pas une tempête pour vendredi? »

Samedi, si Dame nature ne fait pas trop de siennes, Shirley Alston Reeves partagera l’affiche au Rialto avec Freddy Cannon (Palisades Park, Tallahassee Lassie) et The Crystals (Da Doo Ron Ron, And Then He Kissed Me) dans ce spectacle initulé Les légendes du Rock n’ Roll.

C’est finalement comme pour les passages des Comets, de Billy Lee Riley, de Wanda Jackson ou de Sonny Burgess au cours de la dernière décennie: cette soirée, c’est un rendez-vous avec l’histoire.