Sylvain Cormier : Notre maître à tous

Photo FB de Sylvain Cormier

Photo FB de Sylvain Cormier

La première rencontre est survenue en 1993, dans le sous-sol de l’église Immaculée-Conception où se tenait l’un des Rockabilly Jam mis sur pied par Nathalie Lavergne. Ça tombait sous le sens, pour deux fanas de rock n’ roll des racines comme nous.

Par Philippe Rezzonico

Mais encore fallait-il le repérer, Sylvain Cormier, dans cette faune de types au look « T-Birds » et de filles vêtues comme nos mères, quand elles étaient jeunes. Je ne l’avais encore jamais vu en personne ou en photo. Le Devoir était chiche, rayon photos, de ses collaborateurs. Aujourd’hui encore…

C’est là que je vois ce gros type assis au fond de la salle, le dos au mur, sourire engageant, avec un calepin de notes à la main. Pas de doute. Je m’approche. On se croise du regard…

« Sylvain Cormier? »

« Oui… »

« Notre maître à tous. Salut. Philippe Rezzonico. »

« Tu n’es pas mal non plus dans ton genre », me lance-t-il, poignée de mains à l’appui.

Le « notre maître à tous » n’est pas de moi. L’appellation contrôlée vient de Marie-Christine Blais, de La Presse. S’il arrive qu’un collègue fasse l’objet d’une certaine unanimité – bonne ou mauvaise – après des décennies de métier, rares sont ceux qui ont obtenu une telle reconnaissance si jeune.

À l’époque, l’ami Sylvain n’en était qu’à sa troisième année au quotidien Le Devoir où il célèbre aujourd’hui (30 septembre 2015) le quart de siècle. Il écrivait déjà sur la musique depuis quelques années dans des publications spécialisées, mais cela ne faisait que trois ans qu’un public plus large pouvait apprécier sa plume et son style, l’un n’allant pas sans l’autre d’ailleurs.

Car le style Cormier est unique. Cela tient autant à sa plume chantante, à son vocabulaire choisi, à ses images lumineuses qu’à ses référents précis. Vous avez remarqué? Parfois, on lit un de ses textes et on a l’impression de chanter une mélodie italienne. Un art en soi.

L’autre aspect particulier de son approche est qu’il est avant tout un fan. Certes, on ne peut écrire durant des décennies sur la musique sans l’aimer à la folie, mais son statut particulier au Devoir (collaborateur) lui permet souvent d’éviter le cahier de charges. Cet artiste ne lui tente pas? Il passe à un autre. Et on sait à quel point Cormier peut nous transporter de passion quand il écrit sur un artiste ou un groupe qu’il vénère, les Beatles, Brian Wilson et les Zombies en tête.

Que de tartines brillantes et documentées avons-nous lues depuis 25 ans avec l’angle de tir si particulier de Sylvain. Il est, essentiellement, l’un des journalistes qu’on prend plaisir à lire, même si le sujet dont il parle ne nous intéresse absolument pas. Avec lui, la forme est aussi importante que le fond. À mes yeux, il n’y a que trois plumes comme ça au Québec… et l’une d’entre elles vient de prendre sa retraite.

Paradoxe, s’il a fait découvrir des tas de groupes anglo-saxons méconnus des années 1960 à une jeune génération, Cormier a aussi été l’un des « vétérans » journalistes à épouser le plus la musique des jeunes artistes québécois des années 2000. Il n’y a pas de contradiction. Il les aime d’amour.

Ce qui ne l’empêche pas d’être violent parfois, quand il n’aime pas… La « princesse Tupperware », les Moquettes Coquettes et les Rolling Stones eux-mêmes l’ont appris à leurs dépens.

Vingt-cinq ans qu’il dure au Devoir. Une mèche… Des dizaines de journalistes spécialisés en musique travaillant pour la presse écrite (désormais web) francophone à Montréal en 1990, Sylvain fait partie de la poignée toujours en activité que l’on compte désormais sur les doigts d’une main.

Et comme il a maintenant retrouvé la taille de ses 17 ans et la santé, on lui souhaite d’atteindre les plateaux de 30 et 40 ans de métier, à moins que ses autres nombreuses passions l’amènent ailleurs.

Mais pour l’heure, bon anniversaire, vieux pote! Souffle-bien les 25 bougies et apprécie le spectacle ce soir. Stevie Wonder est en ville juste pour toi. Et comme tu ne bois pas, je prendrai un verre à ta santé.