Tom Petty & the Heartbreakers: le grand retour de l’American Boy

Tom Petty & the Heartbreakers. Photo promotionnelle.

Aviez-vous déjà vu Tom Petty sur scène avant son spectacle de jeudi soir au Centre Bell? Si oui, vous l’avez vu – comme moi – dans une autre ville… ou au Forum de Montréal en 1981. Non, je n’y étais pas. Je n’avais pas 20 ans à l’époque et la carrière de Petty et de ses Heartbreakers était jeune.

Par Philippe Rezzonico

Aujourd’hui, Petty est une légende. Peut-être pas pour une large frange du public montréalais – il n’y avait que 8 200 spectateurs au Centre Bell, quand même -, mais assurément aux États-Unis et au Canada anglais. Pas convaincus? En 2010, Petty et ses boys s’offraient un Centre Air Canada bondé avec… Crosby, Stills & Nash en première partie.

C’est qu’il a des chansons marquantes, l’ami Tom, qui parait fort bien à 63 ans avec son perpétuel sourire accroché aux lèvres. Des tas de chansons qui ont fait époque et qui sont connues désormais par plusieurs générations d’amateurs de rock qui ne demandaient pas mieux que de les chanter avec lui.

Mais en raison de la distance… Que dis-je… En raison du gouffre qui séparait sa virée d’hier et son plus récent passage (33 ans, soit presque deux générations), ça donnait une saveur particulière à la livraison, comme si nous entendions certains de ces hymnes pour la première fois.

Pensez-y… L’incisive Mary Jane’s Last Dance colorée par l’harmonica de Scott Thurston n’avait jamais été jouée par Petty à Montréal. Pas plus que toutes les bombes de l’album-phare de 1989, Full Moon Fever.

La dynamitée Runnin’ Down A Dream, durant laquelle Petty et le franc-tireur Mike Campbell arrosent la foule d’une cascade de notes meurtrières? Jamais entendue dans l’amphithéâtre du Canadien. La cinglante Yer So Bad non plus. Ni les irrésistibles I Won’t Back Down et Free Fallin’, offertes en succession, où des tas de femmes désormais âgées dans la quarantaine ont bondi de leur siège comme si elles avaient encore 20 ans.

En fait, il y en a une qui ne s’est pas levée dans ma section et qui a engueulée celle qui venait de le faire deux sièges devant elle. Cette dernière lui a dit d’aller se faire voir. Bien fait. Dans un spectacle rock, tu as le droit de te lever. Sinon, visionne des DVD à la maison. Fin du débat.

N’empêche, ce spectacle rock d’une sonorité ex-em-plai-re donnait parfois l’impression d’être celui d’un DVD portant sur l’histoire du rock. Tom et ses boys ont amorcé leur prestation de près de deux heures avec So, You Want To Be a Rock n’ Roll Star, des Byrds, rappel d’où ils ont puisé leur inspiration de musiciens en devenir.

Ils ont également livré une version frénétique de Baby Please Don’t Go, où le pont central a servi à une version narrative de Petty qui explique qu’il a chassé sa femme parce qu’elle a dépensé 159 000 $ sur sa carte de crédit. Comment actualiser un classique? Comme ça.

En revanche, la version au rappel de (I’m Not Your) Steppin’ Stone de Paul Revere and the Raiders – également popularisée par The Monkees – était digne des meilleurs crus de rock de garage.

Exemplaire Windwood

Steve Windwood avait donné le ton avec son exemplaire première partie en livrant ses tubes (Higher Love), des succès du Spencer Davis Group (I’m a Man, Gimme Some Lovin’), des chansons de Traffic (Low Spark of High Heels Boys, Medicated Goo) et de Blind Faith (Can’t Find My Way Home).

La finale apocalyptique de Dear Mr. Fantasy (Traffic) valait à elle seule le détour. Peut-on avoir le Blanc à la voix la plus noire qui soit sur une scène extérieure au FIJM en 2015? Après trois passages en quatre ans au Centre Bell comme invité, il mérite bien ça.

Petty n’est pas le plus dynamique sur scène. Comprendre ici, ce n’est pas Springsteen (ils ont presque le même âge). Mais il sait remercier chaleureusement la foule après chaque salve d’applaudissements nourris, levant les bras au ciel pour que cela fasse plus d’effet. Et sa pose classique – les bras en croix – le sert bien, surtout durant Learning To Fly, qui a été reprise a cappella par la foule. Un grand moment.

Remarquez, Petty est capable d’une douceur sans pareil. Sa relecture de Rebels à la guitare acoustique était tout simplement magnifique.

Et Tom et ses amis savent intégrer leurs nouvelles compositions aux anciennes. Les nouveaux titres de l’album Hypnotic Eye sont dotés de riffs béton (American Dream Plan B, Forgotten Man), ou alors, ils nous mènent en transe, comme l’a fait Shadow People.

Bref, tout le monde a pu s’éclater sans retenue dans le dernier droit avec Refugee, You Wreck Me et la mythique American Girl. Et espérer que ces retrouvailles auront une suite.