Vincent Vallières: fabriquer l’aube… et le reste

Vincent Vallières. Photo courtoisie Audiogram/Jocelyn Riendeau

Vincent Vallières l’ai dit maintes fois. Il se considère comme un artisan de la chanson francophone qui aspire à voir son œuvre toucher les gens au quotidien. À quelques jours de sa rentrée montréalaise au Métropolis, force est de constater que plus que jamais, les nouvelles chansons de Vallières sont l’extension de l’un des auteurs-compositeurs et interprètes les plus doués de sa génération.

Par Philippe Rezzonico

Avant même la première écoute de Fabriquer l’aube, on savait que Vallières allait nous proposer un équilibre entre les constats collectifs, les chansons personnelles et les ouvrages chansonniers engagés. Il suffisait de lire les titres de l’album.

En regardant finir le monde, Fabriquer l’aube, Lili, Fermont, Mélie, L’amour, c’est pas pour les peureux, Asbestos, Pas à vendre, La chanson de la dernière chance… C’était limpide.

Vallières a toujours cette approche directe, qui n’est pourtant n’est pas dénuée de poésie. Que ce soit au plan individuel ou collectif, il sait brosser des constats sans complaisance auxquels se rattachent souvent des lueurs d’espoir. Et il sait exprimer des prises de positions fermes, sans que d’aucune façon on ne le sente sentencieux envers le public.

« Je suis un faiseur de chansons, assure-t-il. Tout est mis sur la table. L’évidence, aussi, est mise de l’avant. Mes chansons, c’est beaucoup le rapport que j’entretiens avec la vie. Je ne suis pas un vendeur d’aspirateurs. Je n’ai rien à vendre sauf du désir, des idées. On va s’aimer encore, c’était tellement simple, mais pas simpliste.

« Je le dis depuis quelques années, ma musique s’adresse aux travailleurs, aux enfants, aux gens pour qui la musique est vue comme un baume. C’est comme le spectacle. Je veux que ça soit une expérience particulière. Un spectacle de musique, ce n’est pas la même chose que de l’humour. Il me semble que le rapport avec le spectacle musical s’est effrité avec le temps. Je veux que les gens qui vont venir aient du fun. »

Ciblé

Fabriquer l’aube poursuit dans la veine des derniers albums au sein desquels Vallières, l’auteur, est de plus en plus ciblé dans son propos et engagé dans ses dires. Nul doute que la participation au projet des « Hommes rappailés » y est pour beaucoup, quoique ce serait amoindrir le talent du principal intéressé.

Tu écoutes Lili, et sans même savoir qu’il s’agit précisément de sa fille, n’importe quel parent peut s’identifier à ce texte. Même constat au terme de Mélie, qui parle des méandres des relations de couple. Et c’est encore plus vrai pour L’amour, c’est pas pour les peureux.

« Lili est la chanson sur laquelle j’ai eu le plus de commentaires, note Vallières. Elle est évidemment très personnelle. Mélie ne s’adresse pas à ma blonde (petit rire), mais c’est une chanson qui parle des constats dans les relations, de la difficulté de se comporter, d’exister, de perdurer.

« Quant à L’amour, c’est pas pour les peureux, ça parle de s’engager dans la vie. L’engagement, ce n’est pas pour les lopettes. Dans une relation, ça prend du courage pour partir, mais ça prend aussi du courage pour rester, pour s’obstiner. »

Engagé

Fermont et Asbestos ont une même toile de fond (une ville ouvrière), mais un propos différent. Quoique Fermont ait été moins bien accueillie l’an dernier par les élus de la ville qu’Asbestos l’a été dans sa municipalité. Vallières a déjà été invité à venir la chanter dans la ville de l’amiante.

Ces deux titres, tout comme La chanson de la dernière chance, sont toutefois des compositions engagées aux yeux de Vallières qui veut poursuivre dans cette veine.

« La chanson de la dernière chance, au plan individuel, c’est le gars qui est au bal des finissant du secondaire 5 pour qui c’est la dernière chance d’inviter la fille qu’il désire depuis cinq ans. S’il ne l’invite pas ce soir-là, c’est la fin du monde.

« Mais au plan collectif, si on continue à vivre comme on vit, dans 50 ou 60 ans, il n’y aura plus de calotte glacière. Il faut peut-être penser à changer notre mode de vie, même si on continue de nier cette évidence. Il y a deux niveaux de lecture. »

Le spectacle sera mis en scène par Brigitte Poupart. Vallières sera accompagné de ses habituels collègues, André Papanicolaou, Michel-Olivier Gasse et Simon Blouin. Et si Vallières gardera une bonne place dans son spectacle à ses interprétations épurées et intenses, ce spectacle devrait ruer dans les brancards plus souvent qu’à son tour. Car nombre de compositions de Fabriquer l’aube sont solidement charpentées.

Charpente musclée

En regardant finir le monde repose sur des guitares rock, Stone dispose de son lot de percussions, la chanson-titre s’amorce sur une solide batterie, Mélie a droit à une cascade de claviers et Pas à vendre est « full » déjantée, comme disent les ados. Curieusement, s’il fallait trouver une filiation avec le nouveau disque et ceux du passés, c’est à Chacun dans son espace auquel Fabriquer l’aube nous ramène.

« Je refais d’ailleurs des chansons qui remontent jusqu’à cet album, confirme Vallières. Si je faisais un spectacle uniquement rock, ça ne serait pas moi. On va varier les ambiances et revisiter trois albums en plus d’offrir les nouvelles chansons. Je n’ai jamais amené autant de stock d’éclairage en tournée. Mais il ne faut pas s’inquiéter, ça ne sera pas un show de Rihanna non plus. »

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Vincent Vallières au Métropolis le 13 février et à l’Impérial de Québec, le 21.