Il y a quelques certitudes dans la vie comme la saison des REER et la présence de verglas sur les trottoirs à Montréal. Du nombre, la plus sympathique est clairement cette capacité d’Ariane Moffatt à franchir avec succès l’épreuve de la scène avec n’importe lequel de ses disques.
Par Philippe Rezzonico
En deux décennies, les albums d’Ariane Moffatt n’ont certes pas tous présenté la même facture sonore. Le plus récent (Petites mains précieuses) paru l’an dernier, plus intimiste, ne semblait pas d’emblée taillé sur mesure pour une rentrée montréalaise au MTelus.
C’est pourtant dans cette salle qu’Ariane Moffatt nomme toujours Métropolis avait convié ses fans, les gens de l’industrie et les représentants des médias.
Crescendo d’ouverture
Comme seul décor, il y avait cette bulle – cocon? Sphère? ballon de basketball? – dans laquelle les musiciens ont pris place avant d’interpréter Souffle pour deux. Bonne idée, la bulle, d’entrée de jeu. Cela a permis de créer un sentiment intérieur encore plus puissant à la chanson, avec la voix de Moffatt très en avant de la mélodie.
Ladite bulle a « explosé » dès le début de la deuxième chanson, révélant les musiciens : l’éternel ami de toujours d’Ariane, Joseph Marchand (guitare), l’omniprésent Philippe Brault (basse), Maxime Bellavance (batterie, du collectif The Brooks) et la percussionniste Mélissa Lavergne (Belle et Bum). Commentaire mode : le fort joli manteau à dominance jaune fluo de Moffatt était agencé avec le chandail de Lavergne. Clin d’œil aux gilets jaunes? Sûrement pas volontaire.
La belle mélodie concoctée par le clavier d’Ariane pour Les apparences a été soutenue par un tempo de plus en plus bétonné en finale, incitant les spectateurs à battre la mesure, ce qu’ils ont fait spontanément pour La statue, avant que Sylvia Cloutier rejoigne Ariane sur scène pour le duo de très dansant de Pour toi, impeccable mise en bouche pour Debout durant laquelle la foule a chanté le refrain à plein poumons. Ovation à l’endroit de Moffatt à la suite de cette longue séquence d’ouverture impeccable.
Cyborg a fait baisser le mercure, ce qui s’avérait indispensable avant l’interprétation de The Sweetest Taboo, la reprise de Sade. C’est après que ça s’est quelque peu gâté. Pas sur la scène, mais au parterre.
Sombre de ton et de forme
En enchaînant trois nouvelles chansons atmosphériques (Pneumatique noir, N’attends pas mon sourire, Viaduc) sombres de ton et de forme, Moffatt a dangereusement testé les limites du déficit d’attention d’une foule bavarde de première. Je présume que cela variait selon l’endroit où l’on était situé dans le MTelus, mais au parterre, flanc gauche, à même pas 30 pieds de la scène, j’ai entendu parler de tout… sauf de ce que Ariane disait dans ses chansons, tellement les conversations enterraient son propos. Cela dit, le clin d’œil à George Michael (Careless Whisper) en finale de Viaduc était bien logé.
Cela prenait une bombe dansante comme In Your Body (MA) pour ramener tout le monde à l’essentiel. Moffatt n’a jamais levé le pied par la suite, enchainant Retourne chez elle (Le cœur dans la tête), Je veux tout et Réverbère (Tous les sens), la nouvelle O.N.O et Miami (22h22). La section rythmique (Brault, Bellavance, Lavergne) a eu droit à la part du lion durant cette séquence, laissant quelque peu Marchand en plan. Ce qui est assez logique, dans la mesure que nous avons eu droit à un bloc « grands succès » servi à la sauce contemporaine d’Ariane.
Versions épurées
Après la fermeture de la bulle, Moffatt est revenue seule à l’avant-scène pour offrir en clavier-voix une version touchante d’Imparfait, de Daniel Bélanger, qu’elle a intégré à son répertoire de scène depuis des années. Et lorsque qu’elle a demandé à la foule ce qu’elle voulait entendre, dans le chaos des demandes spéciales, elle a opté pour une version épurée de Bien dans rien, qui remonte à Aquanaute (2002).
Cela dit, c’était un peu court. Suggestion pour les prochains spectacles : les spectateurs devraient arriver au concert avec des pancartes en carton sur lesquelles leurs demandes sont inscrites. Plus facile pour l’artiste de déterminer ce qu’il ou qu’elle veut interpréter. Le truc a fait ses preuves auprès de quelques artistes internationaux.
Au rappel, Ariane a invité son amoureuse à danser avec elle sur Careless Whisper, puis elle a partagé avec Vincent Roberge (Les Louanges) Point de mire. Bon duo et bonne séance de surf au-dessus de la foule au parterre pour les deux artistes qui avaient besoin de « petites mains, très, très précieuses » bien solides pour ne pas se casser la gueule.
Moffatt a bouclé le concert d’une heure et 45 minutes avec La main, complétant ainsi l’interprétation de toutes les chansons (10) de Petites mains précieuses. Non sans annoncer qu’elle s’offrira une reprise en plein air du spectacle avec des musiciens additionnels (cordes et cuivres) le 14 juin, en ouverture des Francos de Montréal.