«Cher Jon Bon (prononcez en anglais), en 20 ans de relation, c’est la première fois que tu me déçois. À la St-Valentin en plus! J’attends un bec en compensation.»
Par Philippe Rezzonico
Quand une admiratrice avouée de Bon Jovi se permet un statut Facebook du genre, c’est vous dire à quel point le premier des deux spectacles offert par le beau Jon et ses collègues, mercredi au Centre Bell, était en deça des attentes des purs et durs. Imaginez maintenant la perception d’un journaliste…
Entendons-nous d’emblée, Bon Jovi n’a pas offert un mauvais spectacle. Les standards de professionnalisme de ce groupe de vétérans, la qualité de leur production visuelle concoctée par Moment Factory et l’attachement sincère des Américains du New Jersey envers leur public montréalais ne peuvent être mis en doute.
Mais pour un groupe de vieux routiers, la bande à Jon a commis quelques erreurs de débutants. Il n’est pas anormal qu’un band nous offre six ou sept nouveaux titres tirés de son plus récent album. On a déjà vu Sting jouer huit ou neuf nouvelles chansons durant une tournée (Ten Summoner’s Tales, au Forum en 1993).
Mais il faut que l’album soit disponible pour que les spectateurs soient familiers avec le nouveau matériel. Ce n’est pas le cas ici, car What About Now ne sera mis marché que le 12 mars.
Mercredi matin, l’agent de Bon Jovi, Paul Korzilius, révélait au collègue Alain de Repentigny de La Presse que le groupe « s’arrête d’abord dans nos marchés les plus forts, là où se trouvent les fans les plus fidèles qui vont adorer les nouvelles chansons. »
Korzilius devrait peut-être repenser son approche. Fans fidèles ou pas, quand Jon a annoncé une nouvelle chanson (la sixième de la soirée à ce moment), il ne devait pas avoir trop d’admirateurs de longue date du groupe autour de moi. Ça soupirait ferme…
Les nouveautés
Il est toujours risqué de critiquer après une seule écoute, mais on ne peut dire que les nouveaux titres sont transcendants. Amen se veut une pâle imitation de Hallelujah, Army of One est une power-ballade sans saveur, What’s Left of Me est une relecture basée sur la même ligne mélodique que Who Says You Can’t Come Home, The Fighter est mièvre, et Because We Can est une chanson pop-rock à numéros.
That’s What The Water Made Me, qui repose sur les claviers de David Bryan, est en revanche d’une puissance mélodique sans failles. Le long jam en finale fut l’un des moments forts de la nouvelle cuvée. Quant à What About Now, avec ses valeurs revendicatrices (on voyait des manifs sur l’écran géant), elle semble solide. Globalement, c’est quand même mince.
L’autre bourde de Jon, c’est de dire : « on va jouer des nouvelles chansons et on va faire toutes les anciennes. »
Vraiment pas.
Pas de I’ll Be There For You, de Runaway, de Blaze of Glory, de Bed of Roses… Pas de Born To Be My Baby! Je n’ai jamais vu de ma vie un show de Bon Jovi sans entendre celle-là… Maintenant c’est fait.
Et durant Bad Medecine, contrairement à une habitude ancestrale, nous n’avons pas eu l’insertion d’un classique comme Shout. Sur le plan des vieux succès, Bon Jovi a été déficitaire, même si ça faisait plaisir de réentendre Wild is the Wind, de l’album New Jersey. Soyons francs. Jamais je ne suis demeuré si souvent assis dans mon siège à un spectacle de Bon Jovi. Ever.
Et puis, à quoi bon avoir une passerelle en demi-lune avancée au parterre si on y passe dix minutes en deux heures et demie de spectacle? La même que lors des précédentes tournées, d’ailleurs. Nouvelles chansons, même show.
Moment Factory
La production de Moment Factory est intéressante. Les colonnes qui se dressent du plancher ou qui descendent du plafond n’étant pas présentes durant toutes les chansons, cela permet à Bon Jovi d’entasser des spectateurs jusqu’au plafond, partout dans l’aréna. Plus de 20 000, étions-nous.
Il y a beaucoup d’originalité dans les composantes. Ça ressemble à un jeu de lego en perpétuel mouvement Nord-Sud. En revanche, les écrans LED ont l’avantage d’être plus nets au plan de la définition des images. Bref, le concept reste à peaufiner, mais c’est plus que prometteur.
Les bombes
Comme c’est souvent le cas, la dernière heure a été fédératrice au possible avec les Wanted Dead or Alive, Who Says You Can’t Come Home, Have a Nice Day et Livin’ on a Prayer qui ont fait sauter le plafond. Le volume des décibels des hurlements de la foule était proprement insupportable. Le gros délire.
Et c’est probablement ce dont les spectateurs se souviendront. Mais des moments de ce calibre avec cette communion totale, il n’y en a eu que deux ou trois durant la première heure et demie. Durant You Give Love a Bad Name, It’s My Life et We Got It Goin’ On, la chanson «métal» de Bon Jovi durant laquelle Jon est monté sur l’escalier en mouvement.
La perception de tout un chacun sera forcément différente selon le nombre de fois qu’il a vu Bon Jovi, mais ce spectacle est le moins rassembleur du groupe depuis l’an 2000. Et j’ai vu tous les shows à Montréal depuis lors, sauf celui sans Richie Sambora en 2011.
Mais ne vous en faites pas. Ça sera meilleur jeudi pour la St-Valentin (et non la veille). Vous devriez avoir droit à I’ll Be There For You ou à Bed of Roses. Je vous le souhaite.
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Bon Jovi de retour au Centre Bell le 14 février. Quelques billets encore disponibles.