FIJM 2014: ancien Beck, nouveau Beck, plaisir intact

De Osheaga au FIJM, toujours le même plaisir avec Beck. Photo courtoisie FIJM/Denis Alix

Je me suis dirigé avec une infime réticence vers la salle Wilfrid-Pelletier, mercredi soir, pour assister au spectacle de Beck, présenté en préouverture du 35e Festival international de jazz de Montréal. Pourquoi infime, moi qui adore Beck? Parce que je n’étais pas convaincu que mon état d’esprit allait de pair avec les plus récentes chansons de Morning Phase.

Par Philippe Rezzonico

D’autant plus que l’ex-cep-tion-nel show de Beck offert l’été dernier au Festival Osheaga était encore bien frais à ma mémoire. Finalement, je n’avais rien à craindre… Qu’il offre du vieux Beck, du nouveau Beck ou de l’inattendu, Beck Hansen nous amène toujours où il le veut et nous mangeons tous dans sa main.

Remarquez, lui aussi, après plus de deux décennies de métier, il sait que ça peut être difficile d’aligner des nouvelles compositions dans une salle assise comme la grande Wilfrid. C’est probablement la raison pour laquelle les 20 premières minutes de sa prestation s’apparentaient à une pétarade de grands succès.

Ouverture sur Devil’s Haircut et ses guitares mordantes, enchaînement avec une Loser sautillante, suivi avec la rythmique irrésistible de Black Tambourine et finale avec une New Pollution explosive, soutenue par des images multicolores sur l’écran. Comme amorce, on a vu pire.

Le truc, c’est que Beck savait que tout le monde allait se lever. Et tous les spectateurs placés au parterre sont demeurés debout pour apprécier la jolie mélodie qui enveloppe Lost Cause et les effluves country de Country Down.

L’aisance même

Beck est un crack pour sauter du coq à l’âne, c’est-à-dire, intercaler ses univers et ses propositions stylistiques sans jamais que l’on ait l’impression de rupture.

Comme l’été dernier, il a lié la finale de Think I’m In Love à I Feel Love, de Donna Summer, comme si c’était la chose la plus naturelle qui soit.

Avec Beck, l’aisance est de mise. Photo courtoisie FIJM/Denis Alix

Mais comment ce diable de petit homme peut-il passer au hip hop de Hell Yes – façon Beastie Boys – à une chanson d’amour adolescent aux sonorités des années 1960 telle que Debra, où un type désire faire monter sa blonde dans sa Honda minable? Étonnant. Mais pas autant que de voir Sean Lennon – qui a livré une honnête première partie – venir déposer sur les épaules de Beck une cape, comme s’il était James Brown. Tout fonctionne avec ce type.

Au point qu’il peut larguer de nouveaux titres introspectifs en rafale – Blue Moon, Say Goodbye, Don’t Let Go, Walking Light – sans que personne ne fasse preuve d’impatience. Écoute attentive pour tous.

Beck n’a pas manqué de souligner que la foule présente à Osheaga avait été la meilleure de sa tournée 2013 et qu’il trouvait frustrant de toujours passer par Montréal sans prendre le temps de visiter la métropole, ou même y vivre. On entend ça rarement de la part d’un artiste, croyez-moi.

Artiste visiblement comblé par notre qualité d’écoute. Notre récompense? Une enfilade de chansons dansantes au possible pour conclure. Les électro Girl et E-Pro ont bouclé le set avant le rappel, juste avant que Beck n’installe un ruban jaune – comme on le fait sur les scènes d’accidents ou de crimes – pour séparer la scène du public. Tordu.

Au retour des musiciens, Sexx Laws a ravagé la salle. Dieu que ça faisait plaisir de la réentendre, celle-là. On s’attendait encore moins à 1999, l’une des chansons emblématiques de Prince. Et pourtant, on l’a eue. Beck était en feu et Lennon jouait de la cloche à vache!

Bien sûr, Where It’s At a bouclé la soirée dans une Wilfrid joyeusement en liesse. Finalement, c’est un petit futé, l’ami Beck. Il a réussi à nous présenter un spectacle avec un quart de nouveaux titres, mais aussi avec près du double de tubes certifiés. Beau coup d’envoi pour ce 35e FIJM, à vrai dire.