Après s’être trémoussé sur Bitter Tears qui concluait une heure et demie de prestation sur la Place des festivals, Rufus Wainwright est revenu prendre place à son piano et a lancé que les gens de Montréal méritaient bien « ça ». « Ça », c’était Hallelujah, qui ne pouvait être une meilleure conclusion pour le couronnement du nouveau roi de la ville.
Par Philippe Rezzonico
Dans des conditions climatiques idéales, avec une sono impeccable – du moins, du côté gauche de la Place des festivals où nous nous trouvions -, Rufus aura affiché la superbe qu’on lui connaît face à un public qui ne connaissait pas tout de lui. C’est terminé. L’enfant chéri de Montréal aura fait corps et âme avec le plus imposant public à s’être déplacé pour le voir de toute sa carrière.
Alors que la foule était en droit de s’attendre à une entrée en matière explosive, Rufus aura surpris tout le monde en amorçant le spectacle dans le noir sur la scène dont la structure était drapée de luxueux rideaux rouges.
La voix de Rufus a chanté Candles, a cappella, avec ses choristes, indiscutablement dédiée en mémoire de sa mère disparue, Kate McGarrigle. Effet saisissant.
Tout autant que la tenue du chanteur, mais pas pour les mêmes raisons… Chandail rouge à paillettes, pantalon rouge, lunettes rouges, Rufus était bien le carré rouge vivant qu’il prétendait être. Il avait dit en après-midi lors du point de presse en après-midi qu’il appuyait les étudiants dans le conflit qui les oppose au gouvernement et il a également défié Liza Minnelli de porter une tenue aussi audacieuse dans quelques jours.
Ce rouge cadrait parfaitement avec la couleur des rideaux géants et cela ajoutait de la chaleur à cette scène atypique, décorée de spectaculaires lustres. Pour un peu, on se serait cru à une cour du XVIIe ou XVIIIe siècle.
Ce n’est jamais tout à fait faux avec Rufus, d’ailleurs, tant il y a d’invités sur ces spectacles. Une vrai cour… C’est constamment une affaire de clan. Jeudi, il a puisé dans le répertoire de son paternel, Loudon Wainwright, troisième du nom, pour One Man Guy.
Il a évidemment a fait la même chose avec les chansons de sa mère, livrant en français Entre Lajeunesse et la sagesse ainsi que Complainte pour Sainte-Catherine, chaque fois, avec ses tantes Anna et Jane McGarrigle ainsi que sa sœur Martha Wainwright.
Seule Martha l’accompagnait pour un duo étonnant de Je reviendrai à Montréal, de Charlebois. Quelque part, il y a une maman qui a souri… Rufus a même fait honneur au jazz en livrant Perfect Man et The Man That Got Away en formation réduite. Très réussi.
Il a aussi été totalement Rufus avec sa fabuleuse Going To a Town. Au plan vocal, rarement l’a-t-on entendu chanter avec une voix si assurée d’un bout à l’autre d’un programme, comme si le rendez-vous attendu depuis des années avec le FIJM lui avait fait hausser d’un cran son niveau de qualité déjà très élevé.
Un rêve accompli » a-t-il lui-même précisé en fin de programme. Pour un artiste qui voulait rendre à sa ville tout ce qu’elle lui a donné, force est d’admettre que Rufus n’a pas raté son rendez-vous. Ça valait bien la peine d’attendre.