La face cachée des Bee Gees

J’ai sous la main un 45-Tours des Bee Gees qui date de 1968. Celui du simple I Started a Joke, chanson interprétée par Robin Gibb, décédé dimanche des suites du cancer à l’âge de 62 ans.

Je n’ai aucune idée comment ce disque qui montre cinq Bee Gees sur la pochette (Robin, Barry et Maurice Gibb, ainsi que Vince Melouney et Colin Petersen) s’est retrouvé en ma possession, puisqu’il appartenait au deuxième mari de la mère de ma mère. Son nom figure au verso. Or, mes parents ont quitté la France pour de bon en 1956 et le disque est paru 14 ans plus tard. Mystère…

C’est néanmoins par l’entremise de la voix de Robin que j’ai connu les Bee Gees avant l’adolescence, pas avec celle de Barry et des tubes de Saturday Night Fever durant les années 1970. Par l’entremise d’Elvis, aussi, qui chantait Words (album On Stage, 1970) lors de ses spectacles à Vegas.

Si l’histoire a bien légitimement retenu les Stayin’ Alive, Night Fever et autres How Deep Is Your Love qui ont mené le trio à des ventes mondiales de plus de 200 millions de disques, les Bee Gees est probablement le groupe dont le passé pré-disco est le plus méconnu qui soit.

La compilation Bee Gees Their Greatest Hits The Record (2001) est ce qu’il y a de mieux pour comprendre à quel point le groupe a eu une vie avant sa collaboration au film qui aura fait de John Travolta une vedette.

Presque toutes les sélections du premier disque couvrent la période 1967-1976. Avant 1972, les Bee Gees sont un groupe où les formidables harmonies sont perceptibles, mais dans un registre plus folk et pop que dance ou disco. On y retrouve New York Mining Disater 1941, folk trempé dans des effluves à la Simon & Garfunkel ; To Love Somebody, parée d’arrangements de cuivres; et la magnifique Massachusetts, qui semble issue de la Baie de San Francisco.

Words, I Started A Joke, mais aussi Lonely Days qui semble tirée du catalogue des Beatles période Sgt. Peppers.., avant d’arriver à l’immortelle How Can You Mend a Broked Heart et Jive Talkin’, première chanson qui annonce le virage musical à venir.

Robin, Barry et Maurice Gibb.

Rarement un groupe aura été capable de se transformer autant que les Bee Gees au plan musical. Ça serait bien que cette mauvaise nouvelle permette à une jeune génération de constater que les frères Gibb n’étaient pas que des stars de l’ère du disco.

Malgré ce succès mondial, le destin n’a pas été tendre pour la famille Gibb. Andy, le benjamin, qui aura eu trois succès numéro un de son cru, est décédé de problèmes cardiaques cinq jours après son 30e anniversaire en 1988 ; Maurice, le jumeau de Robin, est mort trois semaines après ses 53 ans en 2003 ; et maintenant, Robin, des suites d’un cancer, à 62 ans. Jeune, trop jeune, tout ça.

Triste constat et cruelle ironie pour cette famille de surdoués dont le plus grand succès, toutes périodes confondues, est une chanson nommée Stayin’ Alive