Voulais pas demeurer inculte. Je parle, bien sûr, du spectacle The Lamb Lies Down on Broadway, de Genesis, dernier volet de la période Peter Gabriel, que le groupe québécois The Musical Box recréait pour une 19e fois à Montréal depuis une douzaine d’années, vendredi soir, au Centre Bell.
Par Philippe Rezzonico
Faut savoir que je ne suis pas un abonné de la musique prog du début des années 1970 contrairement à presque tous les gens de ma génération et la plupart des collègues un peu plus âgés que moi. Comprendre, Genesis époque Gabriel, c’est pas mon truc.
The Lamb Lies Down on Broadway, l’album double vinyle, je l’ai écouté une fois au complet chez un copain en 1977 ou 1978. Ça m’a suffit pour comprendre que ce n’était pas ma tasse de thé. Seulement une demi-douzaine de titres me branchaient au plan musical.
Depuis trois décennies, j’ai entendu la très bonne chanson-titre et la magnifique Carpet Crawlers à satiété sur les ondes de CHOM FM, mais c’est tout. Quand j’ai réalisé que la bande de Québécois émérite dirigée par Serge Morissette allait présenter pour une dernière fois ce qui fut considéré comme le spectacle le moins documenté de cette ère de Genesis, je me suis dit : Allons-y. Sans préjugés.
Après tout, un critique est aussi un peu un historien de la musique. Et si la production est renversante au point que Gabriel, Phil Collins, Mike Rutherford et Tony Banks ont donné leur aval, ça doit valoir le coup.
Mise en contexte
Vendredi, le public du Centre Bell a eu droit au court métrage Counting Out Time, un documentaire d’une vingtaine de minutes fait à partir de films super-8 et d’entretiens réalisés avec le personnel technique qui côtoyait les membres de Genesis en 1974 et 1975. Ça tombait vachement bien pour un néophyte comme moi : mise en contexte, anecdotes, mais surtout, l’occasion de voir ce Gabriel mince et torse nu, qui n’était pas sans rappeler Iggy Pop, se démener sur scène et aller chanter avec Collins.
C’était rien de moins que stupéfiant de voir les mêmes scènes reproduites sur les planches lors des 90 minutes qui ont suivi. La bande de Musical Box propose un mimétisme intégral documenté à l’extrême qui fait de ce spectacle une fresque autant historique que musicale.
Évidemment, selon nos standards actuels, la production de ce spectacle (quelques diapos, deux pétards, un jet de flammes, le tapis cylindrique qui entoure Gabriel et un surréaliste costume de scène) est presque minimaliste, mais on comprend mieux pourquoi cela a jeté par terre le fan de Genesis au Forum en 1975. Le Gabriel québécois prend même la peine de livrer ses introductions comme a dû le faire le Peter original pour le public de l’époque à Montréal, à savoir, tant en français qu’en anglais.
Enrobage scénique
Ça n’a guère changé ma perception de la musique. Plus de trois décennies d’écoute de jazz font que je suis moins réfractaire qu’à l’adolescence aux expérimentations qui pullulaient dans cette musique des Britanniques. N’empêche, cet album concept prend tout son sens sur scène, avec son enrobage d’origine. Et à défaut d’être comblé comme les fans qui voyaient ce spectacle pour la deuxième ou troisième fois, je suis sorti de là en ayant une perception modifiée en regard de celle que j’avais quand j’étais un gamin.
Lorsque les boys ont entonné The Musical Box et Watcher of the Skies, au rappel, ma voisine immédiate, une vraie fan, m’a précisé que certains albums comme Selling England By the Pound étaient plus accessibles que The Lamb… En effet, je me souviens d’avoir raffolé de Firth of Fifth et des éléments tirés de The Cinema Show lors du spectacle de Genesis reformé en 2007.
Il parait que The Musical Box veut refaire la tournée de Genesis de Selling England By the Pound. J’y serai. Encore une fois, sans préjugés.