FIJM: la soirée de blues que j’ai failli ne jamais voir

Charlie Musselwhite et ses musiciens Photo Frédérique Ménard-Aubin/Courtoisie FIJM

Charlie Musselwhite et ses musiciens Photo Frédérique Ménard-Aubin/Courtoisie FIJM

Depuis des années, le Festival international de jazz nous offre des programme double ou triple de blues qui ont de quoi rassasier les plus exigeants amateurs du genre.

Par Philippe Rezzonico

Cette année, l’affiche de vendredi soir proposait Buddy Guy, Charlie Musselwhite, ainsi que Steve Hill et Matt Andersen en duo. Compte-rendu.

Bien des gens savent que j’aurais dû être au Centre Bell pour assister au concert de Bob Dylan, mais ce dernier en a décidé autrement. J’ai dis ce que je pensais de cette affaire sur une autre plateforme, celle de Radio-Canada.ca, et cela a, en définitive, mené à un débat nécessaire relativement à la couverture journalistique dans le secteur culturel. Nous aurons amplement l’occasion d’en reparler au cours des ans, je n’en doute pas.

Steve Hill et Matt Andersen

L’image m’a frappé quelques minutes après le début de la prestation de Steve Hill et de Mattt Andersen. Côte à côte, on avait l’impression de voir Astérix et Obélix. Rien de péjoratif dans le commentaire. J’en ai d’ailleurs fait part à Hill en personne au deuxième entracte et il a éclaté de rire.

Hill, donc, le plus petit, blond, mince, nerveux et toujours incisif avec sa guitare, même si elle est acoustique. Anderson, plus d’une tête plus grand et trois fois plus massif que son collègue, solide en rythmique, avec sa voix grave qui peut déplacer les montagnes. Contraste saisissant.

Durant 45 minutes, les deux hommes ont aligné des titres avec ferveur qui ont su retenir l’attention, ce qui n’est pas toujours évident en ouverture d’un programme de plus de trois heures. Exemplaire duo, en vérité.

Charlie Musselwhite

L’harmoniciste Charlie Musselwhite a endisqué son premier album (Stand Back! Here Comes Charley Musselwhite’s South side Band) il y a 50 ans. Occasion idéale pour remettre à l’Américain le prix B.B.King, qui était l’un de ses amis. Il était visiblement ému quand Laurent Saulnier, le vice-président du FIJM, a fait la remise sur scène.

Charlie Musselwhite et le prix B.B. King. Photo Frédérique Ménard-Aubin/Courtoisie FIJM

Charlie Musselwhite et le prix B.B. King. Photo Frédérique Ménard-Aubin/Courtoisie FIJM

À 73 ans, l’homme est encore solide comme un rock sur les planches. Et il a du souffle! Condition sine quoi none pour un harmoniciste doublé d’un chanteur.

Avec ses trois musiciens qui connaissent sérieusement le tabac, Musselwhite a livré une heure durant des classiques tels Bad Boy (Eddie Taylor), Roll Your Money Maker (Shakey Jake Harris) et ses propres compositions, dont Strange Land, de son album de 1967. Personne en s’est ennuyé une seconde.

Buddy Guy

Il y a un mois, j’étais chez Chess Records, à Chicago, où j’ai vu sur un mur la photo de Muddy Waters, Willie Dixon et du jeune Buddy Guy qui ornait la pochette du disque de Muddy, Folk Singer, en 1963.

Vendredi, c’est un Buddy Guy âgé de 80 ans qui a fait irruption sur scène… comme s’il était encore un jeune homme. Chemise rouge, pantalon blanc, béret assorti, aminci, le bluesman a offert d’entrée de jeu une version incendiaire de son succès Damn Right, I’ve Got the Blues, parue en 1991. Suis tombé à la renverse.

J’ai cru que ça n’allait durer que quelques minutes, cet entrain. Nenni. Pendant une heure et demie, le survivant du blues nous a gratifié d’une forme, d’une fougue et d’un jeu qui fait défaut à ses rares contemporains qui sont encore en service.

Et pas chiche pour les succès, le monsieur. Damn Right.., donc, mais aussi Hoochie Coochie Man, écrite par Dixon et popularisée par Muddy, Hoodoo Man Blues, de Junior Wells, Fever, en version blues, Boum Boum (John Lee Hooker), Strange Brew (Cream)… La totale. Certaines offertes en intégralité, d’autres en version écourtées : toutes en intensité. Sourire permanent et interaction complète avec la foule en sus.

Et comme d’habitude, Buddy a pris son bain de foule durant Slippin’ Out Slippin In’, arpentant les allées de gauche et de droite de la grande Wilfrid, et s’arrêtant à deux pieds de moi. J’avais vécu la même chose au Beacon Theatre de New York, en 2006. Fort plaisant de renouveler l’expérience à Montréal.

Finalement, quand Buddy a quitté la scène en brandissant les deux poings au ciel sous une ovation monstre, je n’ai pu m’empêcher de me dire : « Merci, mon cher Bob. Dire que j’ai failli rater ça… »