McCartney : l’incalculable plaisir

Paul McCartney, ici, au Centre Bell en 2011, arrive toujours à satisfaire le grand public et ses fans de longue date. Photo d'archives/Courtoisie evenko/Pat Beaudry

Quand tu fais le boulot de journaliste/critique/blogueur culturel spécialisé en musique depuis près de trois décennies, tu vois forcément sur scène les artistes d’ici et d’ailleurs plus souvent que bien des amateurs de ces vedettes. Cela comporte à la fois un risque et un plaisir non négligeable.

Le risque, c’est que passé un certain âge, l’artiste en question ne soit plus qu’une pâle imitation de son passé. Rien à craindre avec Paul McCartney, comme il l’a démontré mardi soir sur les plaines d’Abraham à Québec.

Le plaisir, c’est de voir un monument nous offrir des chansons ignorées depuis trop longtemps. Quand tu vois X ou Y cinq, 10 ou 15 fois dans ta vie, à un moment, tu es certain que le volume de grands succès sera au rendez-vous. Avec ses spectacles d’une durée de près de trois heures et les Hey Jude, Let It Be, Yesterday, Band On the Run, Live and Let Die et autres Get Back et Back in the U.S.S.R. dans ses fontes, McCartney ne déçoit jamais le grand public.

Mais il faut avouer que cette tournée Out There en était une taillée sur mesure pour les puristes. Pour les types de mon genre qui espèrent entendre quelques titres jamais savourés en spectacle.

Cette année, avec Another Day, pas jouée depuis 1993, Listen to What the Man Said, mise au rancart depuis 1976, Eight Days a Week, pas interprétée depuis 1965, ainsi que Your Mother Should Know, Lovely Rita, All Together Now et Being for the Benefit of Mr. Kite, extirpées des boules à mites parce que jamais livrées sur scène, nous étions bénis des dieux.

Et le plus beau, c’est que le test de son de McCartney offert en plein air a pu être entendu par des centaines de spectateurs qui attendaient de bonne heure pour entrer sur le site des plaines. Grosse, grosse valeur ajoutée, ça.

Entendre McCartney jouer Honey Don’t, Blue Suede Shoes et It’s So Easy, ce n’est pas comme si Chose ou Machin reprenait des classiques du bon vieux temps du Rock n’ Roll. La première avait été enregistrée par les Beatles et tout le monde sait à quel point les pionniers des années 1950 ont été les artistes qui ont incité McCartney à devenir lui-même musicien.

Blue Suede Shoes, offerte dans un tempo plus proche de la version de Carl Perkins que la version d’Elvis, était jubilatoire. Surtout en raison du long jam pour la conclure. Et les collègues Nicolas Houle, du quotidien Le Soleil, et Yves Leclerc, du Journal de Québec, peuvent en témoigner : quand les premières notes de It’s So Easy se sont faites entendre, j’ai failli – vraiment – tomber à la renverse!

Macca qui m’offre une reprise de l’un de ceux que je n’ai jamais pu voir (Buddy Holly), parce que décédé avant ma naissance… Personne, même pas McCartney lui-même, n’était plus heureux que moi à Québec à ce moment.

Et il y a eu San Francisco Bay Blues, qui figurait sur l’album Unplugged de 1991, ainsi que Midnight Special, tirée de l’album « russe » de 1988. Du tonnerre. Sans compter Jet, Every Night et la fabuleuse Penny Lane. Quand tu te permets de jouer Jet et Penny Lane durant ton test de son sans les jouer en soirée, ça donne une idée de la profondeur du catalogue : sans fond, celui de McCartney.

Et c’est ce qui est remarquable quand une légende qui affiche encore une forme phénoménale livre des titres que tu désirais entendre depuis des lustres : le show que tu n’espérais plus.