Neil Diamond : le Vegas singer

Toujours talentueux à 71 ans, Neil Diamond. Photo courtoisie Andreas Terlaak.

Un artiste change forcément de peau en 45 ans de carrière. Auteur-compositeur pour les autres, interprète de son propre chef, vedette à part entière : Neil Diamond aura présenté tous ses visages lors de son passage au Centre Bell jeudi soir. Mais c’est quand même l’entertainer et le Vegas singer qui auront eu le dessus.

Par Philippe Rezzonico

Dès que Diamond – pas assuré, gestes amples et poses qui faisaient tellement penser au Elvis du début des années 1970 – s’est pointé sur les planches, il était évident quel allait être son terrain de jeu. Remarquez, avec la dimension de la scène et le nombre de musiciens et choristes qui l’accompagnaient, le constat s’imposait de lui-même.

Avec une voix qui a conservé son timbre d’antan et la quasi-totalité de sa puissance, l’Américain avait beau jeu pour serpenter au travers de ses décennies de répertoire. Les vieux de la vieille qui allaient voir ses shows dans le temps pour entendre ses premiers succès de l’étiquette Bang en avaient évidemment moins à ce mettre sous la dent.

Diamond a quand même 71 ans et ce ne sont pas les tubes qui lui manquent pour garnir un spectacle. N’ayant pas de base de référence parce que je n’étais pas là lors de ses passages au Forum en 1993 et 1982, je ne pouvais comparer avec le passé. Mais je pouvais comparer avec les disques ou les reprises.

L’autre Neil

Reprises, car Diamond a écrit une foule de chansons qui ont été enregistrées avec succès par ses contemporains. Et ce sont parfois les versions des autres que l’on connaît le mieux. A l’oreille, du moins… C’est mon cas pour I’m a Believer, que les Monkees ont popularisé dès les années 1960. Sympathique de l’entendre en version ballade, mais Neil aurait dû faire comme il l’a fait dans d’autres villes avant Montréal et la chanter aussi avec son tempo d’origine.

Livraison vraiment impeccable de Girl, You’ll Be a Woman Soon, mais j’ai tellement écouté la version de Urge Overkill sur la bande sonore de Pull Fiction depuis deux décennies que l’originale me parait désormais un peu fade. Ça n’engage que moi. Et si les fans de Neil ont adoré l’interprétation de You Don’t Bring Me Flowers qu’il a partagée avec sa choriste (à la place de Barbra Streisand), la version ultime demeure celle de Barbra toute seule. Rien pour gâcher le plaisir, toutefois.

Jouer avec les fans

En revanche, qu’est-ce qu’on s’ennuyait de la version de UB40 de Red Red Wine! Celle de Neil baignait dans la variété Vegas au point de nous donner des boutons. Heureusement, il y a eu plein de bons moments quand Diamond jouait à fond la carte de sa relation avec la foule conquise. Il fallait le voir partager la très bonne Forever In Blue Jeans, entendre You Got To Be Me, qui semblait être sortie du catalogue de Bo Diddley, et s’éclater – pour vrai – à l’écoute de Holley Holy, où les cuivres étaient là pour chauffer l’offrande.

Bien sûr, le moment de liesse fut celui de Sweet Caroline, que Neil a repris trois autres fois, faisant chanter la foule à pleins poumons. Je note quand même que je m’ennuyais de la ligne de guitare de James Burton comprise sur la version de spectacle d’Elvis parue sur l’album On Stage. Je n’y peux rien. Neil, je le connais autant par procuration que par lui-même…

Les fans du Jazz singer ont aussi eu leur finale made in Vegas avec America au rappel, fort bien interprétée au demeurant. C’est d’ailleurs ce que je me disais en sortant : ce spectacle offert par ce professionnel jusqu’au bout des ongles qu’est Neil Diamond était d’une grande qualité, mais l’enrobage m’a fait regretter de ne pas l’avoir vu sur scène des années plus tôt, quand sa magnifique Gibson noire était plus sollicitée qu’aujourd’hui.