Première ou deuxième semaine de novembre 1979, vendredi soir, Collège Ahuntsic, lors d’un party de la session d’automne. À un moment, un roulement de batterie précède une ligne de guitare dynamitée et une voix de femme inconnue hurle : « Your love is like a tidal wave ! » Je venais de faire connaissance avec Pat Benatar.
Par Philippe Rezzonico
Par un étrange hasard, je n’avais jamais vu sur scène l’interprète de Heartbreaker que j’aimais pourtant depuis cette soirée de mes 17 ans. Vous avez compris que je n’étais pas au Centre Bell, lundi soir, pour applaudir Journey ou Loverboy.
Non, j’y étais pour Pat qui, à 59 ans, possède encore cette voix à déplacer des montages. On l’a su dès qu’elle a amorcé son set en chantant All Fired Up. En effet, toujours en feu, la dame.
Ça se voyait aussi de la façon dont elle danse sur les planches durant les solos de son guitariste de mari, Neil Giraldo, avec lequel elle partage les planches et la vie depuis 34 ans. Sur Invincible, elle a rappelé à ceux qui l’ignorent qu’elle a été à l’école de l’opéra avant d’aller à celle du rock, tant elle grimpait les octaves à volonté. Impressionnant.
Sans aucun décor – juste un drap noir derrière elle et le groupe – et dans un Centre Bell qui comptait 10, 982 spectateurs, Benatar a donné l’impression que nous assistions à une émission télévisée du genre VH1 en discutant et en mettant ses chansons en contexte, comme ce fut le cas pour You Better Run qui fut la deuxième chanson diffusée sur MTV au début des années 1980.
Parfois, c’était Giraldo qui discourait, dans son cas, pour rappeler comment Pat et lui sont tombés en amour en 1979 et que leur premier disque était en marché en octobre de cette année-là. Ce fut l’introduction de We Belong, bien réussie en mode acoustique.
Mais le duo a surtout enchaîné les classiques que tout le monde voulait entendre : une efficace Promises in the Dark avec son introduction au piano, une robuste Hit Me with Your Best Shot et une dansante Love Is a Battlefield.
Après les chansons de « filles » de Pat, les gars ont eu la leur: Heartbreaker, du genre tonne de briques. Elle fut liée à une étonnante relecture de Ring of Fire, de Johnny Cash, qui était presque abrasive, et une finale instrumentale de l’autre Heartbreaker, celle de Led Zeppelin. Et même quelques mesures du thème musical du film… Le Parrain. Tout à fait dans le ton du moment en raison de ce qui se passe à Montréal, comme disait ma copine Pascale.
Un petit 55 minutes vraiment du tonnerre. Appel à tous : un producteur peut-il nous la ramener dans un spectacle solo au Métropolis?
Succès et reprises
Avant Pat, les gars de Loverboy n’ont aligné que des succès en 35 minutes. Mike Reno a pris du poids depuis la décennie 1980, mais le timbre est encore là et il ne fait pas honte quand il interprète The Kid Is Hot Tonight, Hot Girls In Love, l’incontournable Turn Me Loose et la rutillante Working For the Week-end.
Moins fort que Benatar, certes, mais au volume des succès livrés, personne n’allait se plaindre. Puis est arrivé Journey, tête d’affiche de la soirée. Résumons simplement…
Vous possédez le disque Journey Greatest Hits, paru en 1988? Tout comme 95 pour cent des amateurs présents au Centre Bell… Or, seules les chansons extraites de cet album semblaient intéresser les fans. Les Any Way Your Want It, Lights, Faithfully, Separate Ways (Worlds Apart), Lovin’ Touchin’ Squeezin’ et l’hymne Don’t Stop Believin’ ont été rassembleuses au possible.
Sauf que le chanteur Arnel Pineda, même s’il a une voix qui lui ressemble à s’y méprendre, ce n’est pas Steve Perry, le type qui a composé les classiques de Journey. Pineda chantait dans un groupe de reprises de… Journey. D’ailleurs, un copain à moi qui avait fait impasse sur le show m’a texté: « Et puis, comment va le band de covers? ». Méchant, va.
Mais il avait raison. J’avais parfois l’impression de voir un type issu d’une émission comme American Idol ou d’un concours visant à trouver un remplaçant, comme INXS l’a fait après la mort de Michael Hutchence.
Ça n’aurait pas été si dommageable si Journey s’était contenté de jouer ses succès d’antan. Malheureusement, le groupe a joué des chansons d’Eclipse, son disque paru en 2011, et d’autres titres visiblement peu connus de leurs fans présents. Zzzzzzzzzz…, comme on dit.
Avec des sets de 35 et 55 minutes, Loverboy et Benatar ont offert le meilleur du meilleur. Journey aurait dû faire la même chose et interpréter ses 15 titres du Greatest Hits. Là, au moins, la soirée nostalgique des années 1980 aurait été parfaite.