On a beaucoup parlé du prix exorbitant des billets pour le spectacle que les Rolling Stones donnent ce dimanche au Centre Bell. Mais les billets à 640 $ pièce sont une aubaine en regard des 1200 $ et 1500 $ demandés pour les forfaits, qui s’arrachent comme des petits pains chauds et qui font grogner au plus haut point les fidèles du groupe.
Par Philippe Rezzonico
Vous n’avez pas vu ces forfaits sur le site web d’evenko lors de la mise en vente des billets des Stones. C’est normal. Ceux-ci n’étaient disponibles que sur le site officiel des Rolling Stones. Des forfaits variables qui comprennent le billet en plus d’un repas, d’un service de bar, d’un laminé de collection et d’autres souvenirs. À Newark, en décembre dernier, le forfait le plus cher s’élevait à 1 800 $
Les billets liés à ces forfaits sont évidemment les meilleurs disponibles, notamment ceux réservés à l’intérieur de la passerelle de scène des Stones qui est en forme de langue. Le «Tongue pit », comme le désignent les amateurs.
C’est ce qui frustre bon nombre de vieux fans. Attention, on ne parle pas ici d’amateurs occasionnels. On parle de ceux qui vont voir une virée mondiale de leurs favoris, se tapant de dix à vingt spectacles, et ce, dans plusieurs pays. Parfois même sur deux continents.
«Ils me dégoutent. »
Le commentaire de Pierre Tremblay est lapidaire. Le quinquagénaire originaire de Québec, qui réside désormais non loin de la capitale fédérale, a vu les Stones près d’une centaine de fois en 35 ans. Il n’a jamais hésité à débourser 350 $ ou 400 $ pour un billet. Mais cette fois, il est dépité.
« Les Stones sont brillants en offrant 1000 billets à 85 $ par spectacle, mais ce n’est que du marketing, poursuit-il. Au fond, ça ne représente que 1000 billets sur 15 000 ou 20 000 sièges, selon l’aréna. Ce n’est rien du tout. À un moment, il faut savoir respecter les vrais fans. Les habitués. Sur les forums de discussions, ça ne parle que du prix des billets. Ça gâche une partie de la fête pour cette tournée anniversaire. »
La billetterie V.I.P.
Les billets des Stones sont en vente sur leur site web, sur celui du promoteur ou de l’aréna désigné, ainsi que par l’entremise de leur fan-club. Mais les plus fidèles amateurs de Mick Jagger et Keith Richards ont une autre option, soit d’acheter directement de la gérance.
Ces habitués des tournées contactent la représentante du groupe, ils réservent des billets pour Boston, New York ou Toronto et ils vont les chercher à l’hôtel où loge l’équipe de tournée des Stones dans l’après-midi qui précède le spectacle. L’avantage de cette fidélité : la garantie d’avoir un siège dans les dix premières rangées.
Depuis leur retour au Canada en 1989 avec la tournée Steel Wheels, les Stones ont toujours privilégié des parterres à sièges réservés en aréna. Une avenue plus payante pour eux. Or, pour la tournée 50 & Counting…, le parterre est exempt de sièges et ce ne sont essentiellement que les détenteurs de forfaits qui ont accès à la « langue ».
Et c’est là que les purs et durs fulminent. Pour voir leurs préférés d’aussi près que naguère, à portée de la main, ils doivent désormais débourser deux ou trois fois le prix du billet «régulier» le plus cher, ou céder la place des à types aux poches sans fond qui ne sont pas nécessairement des amateurs depuis des décennies.
« Il est hors de question que je paie ça, ajoute Tremblay. Un billet à 650 $, ce n’est pas rien, mais ce sont les Stones. Il y a l’histoire, la longévité, les succès, etc. Mais à 1500 $, je refuse de jouer cette game-là. Ils vont trop loin. J’ai un ami de Montréal qui a vu plusieurs spectacles à l’étranger avec moi. Cette année, il ne sera même pas au Centre Bell. Il a deux enfants. Il n’a pas les moyens.»
De la France aux États-Unis
Tous n’ont pas la même opinion. Patrice Roderigue estime, lui aussi, que les prix demandés sont disproportionnés, mais le Français préfère néanmoins s’acheter des forfaits, quitte à voir beaucoup moins de spectacles durant une tournée.
«C’est totalement scandaleux, ces prix! dit-il, lorsque que joint en France. D’autant plus vu d’ici, en Europe. Plus que des raisons économiques, il y a une différence « culturelle » essentielle. Nous n’avons pas l’habitude de payer très cher nos places de spectacle, sauf en Grande-Bretagne.»
Ça ne l’a pas empêché de débourser 5200 euros pour quatre billets en vue des deux premiers spectacles présentés à Chicago il y a quelques jours. Cela sans compter le prix des billets d’avion et de l’hébergement. Qu’est-ce qui justifie un tel investissement?
«Objectivement, rien. Aucun spectacle au monde ne vaut 600 dollars, précise le quinquagénaire, qui a vu les Stones près de 60 fois depuis 1982. Mais il est dorénavant très difficile, voire impossible, d’obtenir de bonnes places autrement que par des forfaits à prix d’or. Ce n’est d’ailleurs pas spécifique qu’aux Stones.
«Je suis fan depuis ma préadolescence et je me suis juré de ne pas lâcher avant la fin, car ils représentent trop de choses, d’émotions, de voyages, et, surtout, de rencontres amicales. Ils sont une sorte de fil rouge de ma vie. Mon trip à Chicago, c’est 50 % pour les Stones, 50 % pour les États-Unis avec ma fille et les copains et 50 % pour la nostalgie des trips passés. Bon, ça fait 150 % mais… »
Limiter les frais
Conjointement, Tremblay et Roderigue ont vu les tournées Licks (2002-2003) et Bigger Bang (2005-2007) plus de 80 fois. Pour 50 & Counting… en 2013, leur total combiné atteindra tout juste la demi-douzaine. Une résultante des prix prohibitifs des billets des Rolling Stones, qui doivent s’en ficher un peu.
Pas moins de 6000 billets à 640 $ sont disponibles pour le spectacle de dimanche. Cela représente des recettes globales de plus de 3,8 millions de dollars. Sans compter les forfaits à plus de 1000 $ ainsi que de 6000 ou 7000 autres billets (484$, 277$ 173$) qui vont permettre de franchir allégrement la barre des 5 millions de dollars de revenus. Tous les forfaits pour le spectacle de Montréal sont vendus depuis belle lurette.
Qu’importe aux Stones, donc, qu’une centaine de billets ne trouvent pas preneur. Où qu’ils offrent une deuxième portion de billets à 85 $ comme il l’ont fait vendredi, soit essentiellement un rabais sur des billets restants à 173 $. À l’arrivée, leur tournée sera la plus lucrative de 2013, n’en doutez pas. Quant aux fans purs et durs, ils devront limiter leurs pèlerinages à quelques sorties. Que voulez-vous… It’s Only Rock N’ Roll, mais cette fois, ce n’est vraiment pas donné.