Cœur de pirate : la petite ira loin

Radieuse, nerveuse, heureuse et émue, Coeur de pirate a passé son baptême de feu au Métropolis. Photo courtoisie Montréal en lumière/Frédérique Ménard-Aubin.

Durer. C’est le désir de tout artiste. Impossible, toutefois, de savoir si l’on peut espérer la longévité avant la parution d’un deuxième album, même si le premier t’a révélé sur la scène internationale. En fait, surtout si le premier a obtenu un succès monstre… Après avoir assisté à la rentrée montréalaise de l’album Blonde, vendredi, au Métropolis, le verdict est limpide : Cœur de pirate est là pour rester.

Par Philippe Rezzonico

Dieu, que l’on était loin de cette présence en première partie de Benjamin Biolay dans le cadre des FrancoFolies il y a quatre ans, et même, du spectacle présenté à L’Astral, en 2009. Au plan vocal, à la diction, à la composition musicale et à la présence scénique, Béatrice Martin ne cesse de s’affiner, et ce, même dans des contextes de pression considérable.

Vendredi, il y en avait de la pression. Une rentrée et un tout premier Métropolis. Ce n’est pas rien. C’est une chose de livrer des compositions en mode piano voix dans une salle de 300 places, mais il y a un risque de jouer devant plus de 2000 personnes dans un espace qui ne pardonne pas si textes et musiques ne passent pas la rampe.

Donc, pas le choix, il faut d’emblée attirer l’attention. Rien de tel que la présence d’une petite chorale de neuf enfants qui amorce le spectacle en chantant Lève les voiles, a cappella, comme en ouverture de Blonde. Le décor était d’autant plus approprié en raison des banderoles suspendues qui semblaient sortir d’une fête scolaire ou d’un bal de finissants des années 1960.

Sauf que Cœur de pirate n’a pas enchaîné avec son extrait à succès Adieu, comme sur l’album, mais bien avec Verseau, cette chanson de rupture ultra mélodique et dansante. Idéal pour donner le ton. Durant une heure et quart, Béatrice Martin et ses collègues ont alterné ses « quelques classiques » de Cœur de pirate et ses plus récentes compositions avec un bonheur égal.

Pensez-vous que Béatrice Martin a eu du plaisir? Photo courtoisie Montréal en lumière/Frédérique Ménard-Aubin

Joli jeu au piano pour Fondu au noir, superbe livraison de Ava, guitare tranchante pour Danse et danse : l’artiste semblait aussi à l’aise assisse devant ses ivoires que lorsque qu’elle se contentait d’interpréter ses titres.

Nerveuse, heureuse, émue

Indiscutablement nerveuse et réellement heureuse d’être là, Cœur de pirate avait peut-être sous-estimé l’impact sur sa personne de ses chansons de déchirures personnelles. Elle avait beau nous dire récemment en entrevue qu’elle était capable de s’en détacher sur les planches, sa partie «  vraiment triste de concert » qui alignait en succession La petite mort (illuminée par les lampions et les lumières rouges), C’était salement romantique (nappée d’un violon déchirant) et Place de la République, la chanson sans laquelle «  il n’y aurait peut-être pas eu de deuxième album », l’a obligée à essuyer des larmes.

Elle avait néanmoins pas mal de munitions pour retrouver son aplomb. Ensemble a fait mouche et Francis a particulièrement retenu l’attention, parce que le Francis en question était dans la salle et que la foule a chanté le dernier couplet pour aider le monsieur à « impressionner sa date », dixit Cœur de pirate. Sans surprise, après l’incontournable Comme des enfants, Béatrice a conclu avec Adieu, particulièrement relevée.

La salve nourrie d’applaudissements aura arraché d’autres sanglots à la jeune artiste, vraiment émue. Et elle a été généreuse, la petite… Pas moins de 21 chansons. Mais comme elles sont plutôt courtes, on était tout juste à la barrière syndicale des 75 minutes. Anyway, la foule ne voulait pas que ça se termine ainsi.

Retour de Béatrice, donc, un peu embêtée, il est vrai.

« J’ai pu de tounes à jouer. Il va falloir improviser…. »

Sans filet, et après un dialogue de sourds avec la foule qui faisait ses demandes, Cœur de pirate a enchaîné en pot-pourri une poignée de chansons jouées durant le spectacle, cette fois, uniquement en mouture piano voix. Ça ne changeait pas grand-chose d’entendre Comme des enfants ou Place de la République dans une forme proche des versions de band, mais ça valait le coup d’écouter Adieu et Ensemble en mode minimaliste.

Mais ça faisait surtout la démonstration que Cœur de pirate – à 22 ans seulement – a déjà des tas de chansons assez fortes et solides pour être offertes dans l’enrobage de composition le plus dénudé qui soit. Et ça, c’est le signe d’une potentielle longue carrière.