«Oubliez vos attentes relativement à l’art, la race, le genre, la culture et la gravité». Ça, c’était le sixième des Dix commandements selon Janelle Monae, tel qu’inscrit sur des petits cartons déposés sur les comptoirs des bars du Métropolis, mercredi, en cette première soirée du Festival de jazz. En effet, la gravité, on l’a parfois oublié….
Par Philippe Rezzonico
Après avoir vu l’ouragan Janelle déferler l’été dernier au festival Osheaga, nous avions une bonne idée de ce qui nous attendait dans une salle de spectacle qui convenait mieux à l’armada qui accompagnait l’Américaine, à commencer par un band d’une douzaine de musiciens qui comprenait trio de cordes, cuivres et choristes. Et dans une salle close, Madame Monae, son univers théâtral et ses rythmes endiablés ont fait mouche.
Ce qu’il y a de bien avec la chanteuse au phrasé rapide et à la voix haut perchée, c’est qu’elle attire autant les férus d’histoire de la musique en raison de ses influences, de ses références et de ses symbolismes avec le passé, que la toute jeune génération qui n’a pas connu beaucoup d’extra-terrestres dans son genre.
Parce que sur les planches, Janelle Monae est la somme de bien des parties. Au plan visuel, elle a le look androgyne de Grace Jones, une chevelure qui défie la gravité (quoique pas toujours….), et une tenue de soirée qui comprend un nœud papillon et une grande cape noire visiblement empruntée à Gene Chandler, le Duke of Earl.
Elle a aussi un maître de cérémonie pour les présentations, comme Ray Charles en avait un. Écoutez…. Même le gars à la console de son était en complet et en nœud papillon….
Le roi, le prince et le parrain
Vocalement, quand Janelle reprend I Want You Back, on penserait entendre la voix d’enfant d’un Michael Jackson âgé de dix ans, mais quand elle s’approprie la légendaire Smile, de Chaplin, elle est capable d’une souplesse que ne renierait pas un Tony Bennett.
Les fondateurs de la soul et du funk sont toutefois ces maîtres, dans le verbe et le geste. Pose classique à la James Brown avec son micro, « Moonwalk » à la Jackson, reprise de Prince (Take Me with U) : Janelle a tout assimilé et essaie de démontrer l’étendue de son savoir.
C’est d’ailleurs l’un des petits bémols. Parfois, on a l’impression que l’artiste et son groupe veulent tellement faire sauter la marmite que la cohésion en prend pour son rhume.
Personne n’aime plus que moi les pétarades et celles provoquées par Cold War (explosive), Tightrope (incendaire) et la nouvelle Électric Lady (foudroyante) étaient exemplaires, mais durant Faster, Locked Inside et Mushrooms & Roses – quand Janelle peint un tableau en direct -, le magma sonore n’était pas loin de la cacophonie. Faut savoir doser.
Pas uniquement au plan sonore. Durant Come Alive (The War of the Roses), Janelle a été puiser encore plus loin dans les références lointaines, se livrant à un partage de « La-la-la-la !!!» avec la foule survoltée. Elle faisait presque penser à Cab Calloway dans The Blues Brothers. Mais plus de dix minutes? Heureusement qu’elle a conclut ça avec une séance de danse durant laquelle elle se faisait aller le bassin comme Elvis.
Cette fille-là a vraiment tout pour elle. Qu’est-ce que ça va être quand elle aura encore plus de nouveau matériel sous la main…. On a hâte.